Analyse de Mathieu Morverand, routeur de Rémy et d’Olivier Montiel.
En Guyane, la chaleur et l’hygrométrie de l’air peuvent rendre le sommeil léger, surtout lorsque le cerveau bouillonne de réflexions et d’interrogations à postériori. Aurions-nous en effet pu éviter à nos rameurs de renoncer ainsi à leurs rêves en leur prodiguant de meilleurs conseils ? Aurions-nous pu les placer à coup sûr dans les veines de courants et de vents les plus favorables. Cette question nous a tiraillé toute la nuit dernière jusqu’à ce que le vent des Alizés, plus frais et plus sec que celui de la ZIC, se fasse entendre dans la végétation toute proche. Cette descente de l’anticyclone, à laquelle plus personne ne croyait, sauf les fragiles prévisions météorologiques, a fini par arriver sur la zone de nos marins, quelques heures seulement après qu’ils décident, à bout de force et d’espoir, d’abandonner et d’accepter la remorque du voilier d’assistance. Cette édition 2014 est réellement cruelle pour ces marins qui avaient repoussé très loin leur limites en puisant avec courage et abnégation au plus profond de leurs ressources physiques et morales. Ces péripéties qui ne seront bientôt plus qu’un bref intermède dans le cours du temps et des souvenirs nous amènent néanmoins à nous interroger sur le rôle du routeur. Celui-ci est-il vraiment indispensable ? En l’espèce, ce 22 décembre dernier, Rémy Landier, Patrice Charlet (alias Mac Coy) et Olivier Montiel n’étaient distants les uns des autres que d’une trentaine de milles à peine et quasiment sur la même longitude. Pourtant, seul Rémy a réussi à trouver la voie vers l’Ouest, Patrice et Olivier étant eux irrémédiablement emportés vers l’Est par un flux très puissant et pourtant invisible sur les cartes. Leurs routeurs respectifs auraient-ils pu empêcher cette bifurcation diamétralement opposée et les conséquences qui en ont suivi ? Les cartes quotidiennes des courants sur zone ne laissaient pas présager un tel scénario et les rameurs se trouvaient alors plus à l’ouest que les positions de ceux qui les avaient précédé quelques jours plus tôt et qui avaient finalement réussi à s’évader par l’Ouest. Avec l’émergence des nouvelles technologies et la capacité des skippers à recevoir à bord toutes les informations nécessaires, cette expérience pose clairement la question de l’intérêt de recourir aux services d’un routeur, est-il vraiment une aide à la navigation ou simplement un confident ?. Les marins des célèbres courses au large sont-ils tous épaulés par un routeur ? Ceux de Rames Guyane ont-ils tous recouru aux services d’un routeur ? En d’autres termes, la réussite d’une telle traversée océanique n’est-elle pas exclusive du marin qui s’y engage corps et âme ? L’avenir de ce type d’épreuves sera certainement bien différent de tout ce que nous avons connu jusqu’alors. A méditer. Continuer la lecture