Analyse de Mathieu Morverand, routeur de Rémy et d’Olivier Montiel.
Les positions étonnantes des rameurs sur la carte ces derniers jours inquiètent nombre d’observateurs. Les étraves pointent dans tous les sens et trahissent la présence de forces qui obligent les skippers à se dévier de leur cap. En reprenant les cartes Mercator de la fin du mois d’octobre sur la même zone, on constate que le phénomène était déjà présent au moment du départ. Depuis, les courants ont évolué mais l’ensemble du système conserve globalement le même fonctionnement avec toutefois un net renforcement depuis début décembre. Jusqu’alors, la boucle laissait ouverts quelques passages avec des courants moins forts, mais au fil des jours, le mouvement circulaire s’est refermé précisément au moment où nos marins pointaient leur étrave. Les éléments se seraient-ils ligués cette année contre les rameurs de Rames Guyane ? Pierre Verdu partage le stress qui règne parmi les routeurs et n’en finit plus de refaire ses calculs et ses prévisions au prix d’interminables nuits blanches. A quelques 300 milles de l’arrivée, il est encore très difficile de prévoir une date d’arrivée précise. Et pourtant, nous n’avons jamais autant disposé d’outils fiables et performants, ni même d’un tableau aussi bien renseigné. Même si nous avons encore un peu de mal à nous y résoudre, il nous faut bien admettre cette année que la Nature reste plus forte. Nous n’avons pas d’autres choix que de composer avec ses humeurs souvent heureuses, quelques fois contraignantes.
Rémy qui passe de waypoint (point de passage) en waypoint avec la précision d’un métronome le sait bien, lui le montagnard qui fut à de maintes reprises confronté sur les cimes à des conditions difficiles voire périlleuses. Son moral oscille comme la houle par mer forte avec des creux et des bosses parfois prononcées. Lorsque son bateau glisse, il exulte mais lorsque des vagues croisées se mettent à nouveau à le chahuter, il rage de ne plus pouvoir ramer et de se voir immobilisé. Dans son sillage, Patrice (Mac Coy) et Olivier M. suivent le même cap en conservant des écarts réguliers, espérant atteindre à leur tour le courant traversier en milieu de semaine prochaine. Ils nourrissent secrètement l’espoir d’un affaiblissement de celui-ci avant leur arrivée.
Plus au Sud, Olivier B. conserve un moral à toutes épreuves. Grâce à un ingénieux système de récupération d’eau de pluie à l’aide de son ancre flottante, il a soutiré aux pluies généreuses de la ZIC plusieurs litres d’eau douce en s’épargnant ainsi de fastidieuses heures à manipuler manuellement son dessalinisateur. Il propose même à Olivier D. un peu de nourriture si celui-ci venait à en manquer. Pas sûr toutefois que l’intéressé soit disposé à attendre son ami alors qu’il n’a jamais été si près de toucher enfin le courant sud-équatorial. Non loin de là, Catherine qui navigue presque à vue de Philippe Malapert, aspire elle aussi à reprendre au plus vite le chemin de la Guyane. Pour l’heure, elle soigne ses mains en vue de la dernière ligne droite vers la ligne d’arrivée qu’elle espère franchir d’ici une dizaine de jours.