Analyse de Mathieu Morverand, routeur de Rémy et d’Olivier Montiel.
La situation dans laquelle se trouvent les rameurs au nord-ouest comme au sud-est de la flottille reste délicate. De leurs côtés, les deux sudistes continuent de croire en leur stratégie audacieuse mais commencent à ressentir une certaine lassitude après tant de jours passés si près de cet hypothétique courant sud-équatorial. Patrice trouve la force morale de relativiser et d’indiquer qu’il se situe maintenant juste devant les îles de Salut à 2300 kilomètres des côtes. Quant aux nordistes, ils ont encaissé le premier coup de semonce hier et leur foi infaillible jusqu’alors s’est quelque peu ébranlée même si ils semblent repartis à présent vers la Guyane. Une barrière de turbulences se maintient toujours fermement en travers de leur route et menace de les dévier de leur objectif. Le doute s’est installé, même aux avant-postes. Et si le risque de dépasser la ligne d’arrivée par le Large était bien réel ? Avec un fort vent de Nord-Est, cela paraît peu probable, mais l’expérience de cette traversée nous a démontré une nouvelle fois le caractère particulièrement imprévisible de cette zone de convergence intertropicale. Si l’Europe est le réceptacle de masses dépressionnaires génératrices de fortes précipitations, elle n’en est pas à l’origine comme le souligne très justement Pierre Verdu. Ces masses naissent justement sous les Tropiques avant de traverser toute l’Atlantique Nord portées par le Jet Stream. Prévoir avec exactitude la position d’une bosse ou d’un creux barométrique de la ZIC relève de la mission impossible, même les super calculateurs météo s’y égarent fréquemment.
Dans ce contexte d’incertitudes, certains ont décidé de changer de cap, en adoptant une nouvelle option à travers le maelström, une route médiane entre celle du Sud et celle du Nord qu’ils jugent maintenant trop risquée. Olivier D. reconnaît le caractère incertain de cette orientation, mais il s’y est maintenant engagé et ne semble plus disposé à virer de bord à nouveau. Les jours à venir lui indiqueront si ce choix était bien le bon.
Pour Richard en revanche, qui termine sa vacation par un « Go West » significatif, la Guyane reste droit devant et il n’évoque pas la perspective d’un autre cap. C’est même pour lui l’heure d’un premier bilan, à quelques 700 milles de l’arrivée. Il s’était engagé dans l’aventure en quête d’un voyage incroyable et il l’a trouvé au-delà de ses espérances tout en reconnaissant volontiers qu’il n’avait absolument pas pris conscience au moment du départ de ce qu’il allait vivre réellement. Il sait que son pire ennemi à bord reste lui-même et qu’il est vital de faire preuve de prudence et de lucidité en permanence pour espérer arriver à bon port.
En arrière, on adhère volontiers à ce sentiment même si pour l’heure, on continue de se battre contre des conditions particulièrement pénibles. Après des jours à lutter contre des vents de Nord-Est pour ne pas trop descendre au Sud, voilà qu’une bosse ondulatoire de la ZIC a engendré des vents du Sud-Est et même de Sud qui ont repoussé plusieurs rameurs vers le Nord, dont Rémy Landier (n°84) et Olivier Montiel (n°7). Ils sont dû redoubler d’efforts toute la journée pour ne pas repasser au-delà du 10ème parallèle. Ce système dépressionnaire apparaît très localisé sur les cartes météo et devrait fort heureusement se décaler vers l’Ouest en emportant avec lui le plus gros des grains et des fortes précipitations qui y sont associées. Des vents de Nord puis de Nord-Est sont attendus pour les prochaines heures et devraient se renforcer dès demain en fin de journée.