Analyse de Mathieu Morverand, routeur de Rémy et d’Olivier Montiel.
Seul à bord depuis si longtemps, l’esprit saisi par l’étreinte de cet univers tout aussi angoissant que fascinant, des repères simples auxquels s’accrocher deviennent indispensables pour tenir et trouver chaque matin la force de repartir aux avirons pour de longues journées exposées aux embruns et aux affres du Large. Ainsi, Rémy a vécu ce matin un pur moment de réjouissance simplement en retournant la carte sur laquelle il consigne méthodiquement sa progression depuis le départ. Jusqu’alors, il évoluait sur la face de l’Afrique et du Cap Vert. Mais il est arrivé au pli et a dû retourner son précieux document pour maintenant écrire du côté des Amériques et de la Guyane. Il voyait sa trace du côté du départ, il la voit maintenant du côté de l’arrivée, il a tourné la carte du bon côté. Ce simple geste peut paraître désuet pour qui ne perçoit pas le caractère profondément bouleversant de ce type d’expérience, mais dans la situation de ces marins, après plus de 40 jours de mer, la force des symboles se trouve décuplée.
Le sens des vents et l’orientation des courants constituent aussi des éléments auxquels les skippers sont devenus très sensibles, comme jamais sans doute ils auraient pu l’imaginer avant de prendre le Large. L’équipe des nordistes, à l’image de Harry, affiche un moral à la mesure des bonnes conditions avec lesquelles ils semblent avoir renouer, enregistrant de remarquables vitesses, presque provoquantes pour leurs collègues à l’Est et au Sud encore aux prises avec cette mer instable et ces vents indécis. A ce jour, huit skippers, soit la moitié de la flottille, ont franchi la ligne marquant la moitié du parcours et se trouvent à moins de 1000 milles de l’arrivée. La lecture des données recueillies et compilées chaque jour par Pierre Verdu permet d’affiner les estimations de date d’arrivée. Si celles-ci se précisent pour les rameurs en tête, il plane une incertitude de plus en plus pesante quant à l’influence que pourront avoir ces courants contraires sur la trajectoire des bateaux. A la vitesse des rameurs, un courant pouvant atteindre deux nœuds ou plus aura forcément un impact sur les derniers jours de course. La configuration actuelle est très différente de celle de l’édition 2012 et se caractérise par la superposition de deux courants antagonistes et tournoyant l’un vers l’autre (voir cartes Mercator). Si le courant le plus proche de la côte reste favorable à la route des rameurs, celui plus au large leur est contraire. Toute la difficulté à présent est de déterminer le cap idéal pour viser le meilleur point d’impact de cette zone avec l’espoir de la traverser au plus vite sans faire un détour trop important. Une route trop au nord, pour éviter le plus longtemps possible cette zone, comporte le risque de ne plus pouvoir ensuite descendre suffisamment au sud et en conséquence de dépasser la ligne d’arrivée et les îles du Salut par le Large sans aucune possibilité d’y revenir à l’aviron.
Toute la flottille semble désormais bien consciente de cette configuration. A l’arrière, Catherine, Patrice, Olivier et tous les autres attendent fébrilement de savoir ce qui va se passer lorsque les premiers bateaux atteindront cette zone marquée d’incertitudes. Ils sont certes en arrière, avancent un peu moins vite mais ont cette chance de voir ceux qui les précèdent expérimenter avant eux ce passage délicat.
Serait-il possible d’avoir une réponse à ma question ? Je ne comprends pas qu’il n’y ait que 8 skippers qui soient à mi-parcours. Est ce que les données annoncées par Rames Guyane sont exactes « traversée Dakar-Cayenne d’une distance de 2600 miles (soit 4700km) » ? Je crois comprendre qu’en réalité c’est 2200 miles, ce qui me réjouït pour Rémy car si tout va bien il devrait passer le cap cette nuit ? En plus, il y a bien assez de miles et mieux vaut ne pas en rajouter ! Malheureusement je me suis réjouïe pour rien la semaine dernière… Enfin c’est pour bientôt mon petit frère alors ne faiblit pas, nous sommes surs que tu gagneras cette longue bataille ! Avec nos bises affectueuses.
Si on s’en réfère à l’outil de cartographie proposé par l’organisation de la course, il y a un total de 2140 milles à vol d’oiseau entre Dakar et Cayenne. Toujours à vol d’oiseau, Rémy est à 1037 milles nautiques de Dakar et il lui reste environ 1105 milles pour rallier Cayenne.
Ces données indiquent qu’il est maintenant très proche de la moitié du parcours..
Benoit.