Analyse de Mathieu Morverand, routeur de Rémy et d’Olivier Montiel.
Les images du départ depuis la plage de Hann Bel Air à Dakar paraissent si loin à présent (voir quelques photos). Le sable chaud, la mer clémente à peine ridée par un léger souffle, les accolades entre les skippers et leurs proches, l’ambiance du départ avec ses espoirs d’envolée vers le Large à la faveur de vents d’Est forts et francs…
Il en fut autrement et l’aventure n’en a été que plus belle, certes dure pour les nerfs et pour les corps, sans compassion aucune pour le sort de nos courageux rameurs, mais intense et exigeante à l’image de défi hors normes. Non seulement, ils n’ont pas cédé face à cette adversité tenace, mais cette épreuve les a aussi renforcés dans leur détermination à réussir. Il fallut bien parfois toute la conviction de Michel lors des vacations ou le son de la voix des proches pour retrouver le moral et ne pas s’abandonner à la renonciation alors que l’océan tout entier semblait vouloir s’opposer aux marins. 10 jours, par un de moins, perdus à louvoyer devant les côtes du Sénégal, de la Casamance ou de la Gambie, avec ce risque réel de revenir à la côte. Plusieurs skippers durent même s’ancrer au plateau continental pour résister à ces vents d’ouest très précisément localisés sur la zone du départ.
Et puis, à la faveur de légères oscillations barométriques, quelques modestes brises de Nord et de Nord Est ont fini par s’immiscer discrètement. Les skippers ont alors saisi cette opportunité pour s’échapper le plus loin possible à la vitesse d’une (très) tranquille randonnée, dépassant rarement les deux nœuds (3.7 km/h). Nous étions alors à la fin du mois d’octobre. Ceux qui avaient réussi à s’abriter sous la péninsule du Cap Vert reprenaient la mer depuis les Almadies ou la Madeleine en tentant de serrer l’orthodromie. Dès lors, les stratégies se mirent en place ; ceux du sud, marins de la première heure, qui n’avaient jamais rejoint la côte et ceux du nord qui décidèrent de serrer l’ouest autant que ces vents de Nord-Est et cette houle résiduelle de nord le permettaient. La flottille s’est alors étirée du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, dépassant laborieusement la longitude de l’archipel des îles du Cap Vert qui marque l’entrée dans le grand large. Nous en sommes là à présent, un mois après le départ de Dakar, à un tiers de la distance à parcourir pour rallier la Guyane.
Pierre Verdu, insatiable ambassadeur de l’aventure, lui-même skipper lors de l’édition 2012, anime une bonne partie de ses nuits à observer la course, à noter les moindres détails et à scruter attentif l’évolution des mouvements des masses d’air et des courants. De son travail (visible ici), il a ébauché un remarquable tableau de classement des skippers au jour de jour avec des relevés quotidiens à 7 h du matin. On y découvre notamment que Harry grignote chaque jour un peu plus la distance qui le sépare de Jean-Pierre en tête de course, ce qui augure d’une belle bagarre dans les semaines à venir.
On y apprend également que seuls deux skippers ont réussi à dépasser les 50 milles en 24 h alors que cela devrait maintenant être la norme. Ce document très instructif nous renseigne enfin de manière objective sur les dates probables d’arrivée. Ces calculs se fondent sur l’hypothèse d’une descente imminente des Alizés – ce que la météo semble confirmer – mais aussi sur l’aide généreuse du courant sud équatorial lorsque les skippers s’approcheront des côtes du Brésil et de la Guyane. Ils pourront alors espérer des vitesses de l’ordre de 3 nœuds et couvrir plus de 70 milles de distance en 24 h.
Fort de cette analyse, il est possible d’anticiper une arrivée pour Rémy Landier (n°84) aux alentours du 16 décembre et pour Olivier Montiel (n°7) aux alentours du 20 décembre, autrement dit après deux mois de traversée environ.
Toutefois, malgré la pertinence de cet outil, il subsiste une inconnue pour laquelle nous ne disposons pas encore de réponse : Comment les bateaux de nos rameurs vont-ils réagir dans le capharnaüm de courants turbulents qui caractérisent actuellement la bordure septentrionale du courant sud-équatorial ? La grande excroissance que l’on distinguait dès le départ sur les cartes Mercator a certes baissé en intensité mais reste encore présente à ce jour en opposant un courant significatif à la route de nos marins. La contourner par le nord comporterait le risque de dépasser la ligne des îles du salut très au large sans possibilité d’y revenir. Trouver un passage qui précède cette zone afin de la dépasser par le sud paraît pour l’instant la solution la plus sage même si cela contraindrait les marins à modifier sensiblement leur cap en abandonnant momentanément la route la plus directe. Didier et Antonio seraient alors les mieux placés.
Pour l’heure, toute la flottille attend avec impatience ces vents d’Alizés que les prévisions météo confirment dès la nuit du mercredi 19 au jeudi 20. Ces derniers devraient s’établir à 15 nœuds dans un secteur compris entre 45 et 55 ° (NE) environ jusqu’au samedi 22 au moins. Les rameurs positionnés au-dessus du 10ème parallèle bénéficieront encore d’un ciel clément tandis que plus au sud, les skippers rencontreront des précipitations qui pourraient être assez fortes par endroits. L’occasion pour les marins qui les recevront de savourer le plaisir d’une bonne douche d’eau douce.
1mois de traversée…c’est comme souffler une 1ère bougie, ça se fête ! Alors Bravo pour tout le chemin déjà parcouru et plein de forces pour ce qui vient, tu vas y arriver !!!
Bonjour Rémy,
Gardons l’espoir que les vents de cette nuit te soient favorables. C’est le soir au coucher que mes pensées vont vers toi qui te retrouve confronté à l’obscurité devant cette immensité qu’est l’océan. Courage Rémy nous continuons à te suivre et à t’encourager.
Amitiés. A.Bernard